En 1536, le défilé de la Vernaz, au lieu-dit La Garde, fut le théâtre d’un combat épique. Les montagnards, avec à leur tête les moines d’Aulps, s’opposèrent aux Bernois venus s’emparer de cette portion de territoire qu’ils revendiquaient d’après le traité du 25 février 1536.
Ils craignaient à juste titre qu’ils ne pillent et détruisent l’abbaye d’Aulps à l’instar du couvent des Voirons. Aux cris de « Deo vero » (« Au vrai Dieu »), ils repoussèrent les assaillants. D’où l’appellation de “Véros”.
Depuis le XIX e siècle, les historiens chablaisiens débattaient sur la date exacte de cet évènement. Louis-Étienne Piccard pensait qu’il s’était déroulé le 28 février 1536. Opinion contestée par le chanoine Gonthier, qui penche pour le 30 août. John Baud, secrétaire de l’Académie chablaisienne, l’approuve et s’appuie entre autres sur l’inventaire des titres de l’abbaye d’Aulps qui montre que l’abbé a réduit de moitié les dîmes des gens d’Habère-Poche “en récompense des agréables services rendus à l’abbaye contre les Luthériens”.
Une même faveur fut octroyée aux habitants de Saint-Jean-d’Aulps et de Morzine. Il constate encore que les Valaisans, sollicités par les habitants de la vallée d’Aulps, réussirent à faire accepter aux Bernois que la rive gauche de la Dranse, dès Bioge, en haut, fit partie du canton du Valais.
Arnaud Delerce, historien de l’abbaye d’Aulps, dont les travaux ont été salués par les spécialistes du monde cistercien, a une opinion plus nuancée sur cette affaire. Il voit dans cette échauffourée « un épisode monté en épingle lié au contexte religieux ». « Il est vrai, souligne-t-il, que les Valaisans firent apporter des canons, ce qui prouve une volonté de montrer leur force et leur détermination. Une chose est sûre, la porte de la Garde marque la sortie des terres de l’abbaye. C’est ici même qu’au Moyen-Âge les délinquants de la vallée condamnés au bannissement étaient expulsés. »
Échauffourée ou combat titanesque, une chose est certaine pour Louis-Étienne Piccard : « En 1902, en construisant la nouvelle route de La Vernaz, on exhuma, au lieu-dit La Garde, une quantité d’ossements humains, de crânes, de fers de chevaux rongés par la rouille. Ce fut la constatation officielle de cette victoire mémorable. »
par Joseph TICON le 22/08/2012 le dauphiné libéré
LA VERNAZ / Les Véros : un combat entre mythe et réalité
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