Pour en venir aux « bourgeois »….savoyards !
Permettez moi d’insister sur le fait que nous étions en Savoie et ce jusqu’en 1860, avec de forts mouvements politiques qui ont eu pour conséquences de voir passer suivant les années aussi bien les Français, que les Piémontais (1) , les Autrichiens, les Allemands, les Espagnols, etc…
(1) Je rappelle que cette région que beaucoup ont tendance à considérer comme fondatrice de l’Italie…, ne l’est pas car à son origine elle était inféodée à une branche latérale de la famille de Savoie, dite d’Achaïe. Le Piémont fit retour à la couronne par la mort du dernier de ses Princes, Louis de Morée, le 11 décembre 1418.
Cependant l’histoire de la Savoie autrefois et jusque vers la fin du IX éme siècle rentre dans l’histoire générale de la France, et celle-ci étant connue de tous , je me contenterai de la mentionner en précisant qu’il existe une liste chronologique et généalogique des rois francs qui régnèrent sur la Savoie. A commencer par les deux fils de Clovis : Childebert 1er, roi de Paris et décédé en 558, et Clotaire 1er roi de Soissons, puis en 558 de toute la France et qui mourut en 561.
Après les règnes de leurs descendances, arrivèrent les Carolingiens. Le premier fut Pépin le Bref , qui fut roi de 752 à 768 . Ces deux fils lui succédèrent avec partage territorial , Charlemagne, roi en 771, seul roi en 771, et empereur de 800 à 814 et Carloman, roi en Bourgogne de 768 à 771.
Les Carolingiens à travers leurs descendances , guerroient et légifèrent pour la cause de l’Eglise et de la Civilisation, mais très vite ils engendrent les malheureuses dislocations de leur Empire (par le testament de 806, les partages de 817, 829, 837, et 839 et le traité de Verdun, document non des moindres, en 843, Ils se dépouillèrent de leur autorité de par les concessions accordées aux Grands du Royaume ( particulièrement par le capitulaire de Kiersy-sur-Oise, en juillet 877).
On peut dire que c’est ce traité de Verdun qui représente les prémices de la séparation de la Savoie de la France.
La région savoisienne fut en 856 divisée entre Louis II, Lothaire II et Charles le Jeune…
Puis, le diocèse de Genève paru passer en 860 de Lothaire II à Charles le Jeune, mais revint à Lothaire II en 863. Ici intervient une donation faite le 17 janvier 867 par Lothaire II, à sa femme répudiée Thietberge, des domaines d’Annecy, Héry sur Alby, Balmont, Seynod, Pringy, Saint-Martin, Talloires, Doussard et Marlens. (Mercier, Souvenirs, p.21).
Lothaire meurt en 863, et du partage qui s’en suit (le 8 août 870) la Savoie se retrouve à nouveau française sous le sceptre de Charles le Chauve ( mort le 6 octobre 877), puis Louis le Bègue ( mort le 19 avril 879).
Il s’ensuit un imbroglio difficile à résoudre : Apparaît un nouveau personnage : le duc de Boson. Celui-ci, neveu probablement et héritier de la reine Thietberge, fils d’un comte des Ardennes, créé comte, lui aussi, de Vienne en 871, et de Bourges en 872 , duc de Lombardie en 876, duc de Bourgogne et de Provence en 875 , parce que le mariage de sa sœur Richilde en 870, l’a fait beau-frère et favori de Charles le Chauve. Or le duc de Boson vient d’épouser Ermengarde , fille de l’Empereur Louis II en 877 et Boson et Emerengarde aimeraient bien porter une couronne royale…
Le 15 octobre 879, par 6 archevêques et 17 évêques réunis, la couronne royale est déférer à Boson pour défendre l’Eglise « contre ses ennemis visibles et corporels »…
Le roi Boson devient alors « Roi de Bourgogne cisjurane (ou de Burgondie) ». Il étend sa domination sur la plus grande partie de la Provence et du Dauphiné, sur la Savoie propre, la Maurienne, la Tarentaise, et une partie du Genevoie, jusqu’aux Usses et aux Bornes, et donc probablement sur la vallée de Thônes.
Le Duc de Boson meurt à Vienne le 11 janvier 887. Ermengarde tente d’assurer la couronne pour son fils Louis, âgé de sept ans.
Elle le met sous la protection de Charles le Gros, puis elle le recommande au roi Arnoul en 890 et au pape Etienne VI …
Elle fait convoquer à Valence une Assemblée de seigneurs et d’évêques qui déclare Louis comme second roi de Bourgogne cisjurane en septembre 890.
Celui-ci obtient même l’Italie et le titre d’Empereur en 901 , mais tombé aux mains de ses ennemis, il ne revient dans ses Etats que privé de la vue en 905, et fut réduit à faire gouverner le pays par son cousin Hugues de Provence jusqu’à sa mort en 925.
Son fils Charles-Constantin lui succède mais en 928, il est dépossédé par Hugues de Provence, devenu roi d’Italie, et qui cède toutes ses prétentions vers l’an 934 au roi Rodolphe II à la souveraineté de Provence.
Or Rodolphe II était le fils d’un comte Rodolphe 1er, gouverneur de la Bourgogne transjurane, et qui avait suivi l’exemple donné par le Duc de Boson, puique dans une assemblée de prélats et de seigneurs qui s’est tenue à Saint Maurice d’Agaune en Valais, il s’était fait proclamé dès 888, roi de Bourgogne transjurane, c’est à dire d’un pays comprenant, avec la Franche-Comté et la Bresse, une partie de l’Helvétie, le pays de Vaud, le Valais, le Chablais, le Genevois (sauf a-t-on dit la vallée d’Annecy), le Faucigny, et à la suite, la Tarentaise, enlevée au royaume de Provence…
Rodolphe II régna de 912 à 937, et par une entente avec Hugues de Provence, roi d’Italie, il réunit entre 934 et 935 les « Deux Bourgognes » en un même royaume qui s’étendit en 943, de la Suisse à la Médittérranée : LA SAVOIE TOUTE ENTIERE OBEIT DES LORS A UN MEME MAITRE.
Passons sur les successions fortement marquées par des hostilités internes, pour constater que la dynastie des rois de Bourgogne s’éteignit en 1032 et que nos contrées de l’ancienne Allobrogie passa sinon de fait, du moins de droit sous la domination des empereurs d’Allemagne.
Mais en réalité ce fut la naissance de la féodalité en « Savoie » !
1° La domination resta au pouvoir de quelques grands vassaux de l’Empereur, tels que les comtes de Savoie, et les évêques de Genève…jouissant tous des prérogatives régaliennes.
2° Aux-dessous d’eux , quoique presque aussi puissants venaient se ranger les comtes de Genève, les sires du Faucigny, les dauphins du Viennois, … et ensuite une foule de seigneurs qui avouaient suzeraineté de tel ou tel prince, de tel ou tel prélat…
3° Enfin venaient des feudataires de troisième ordres, possesseurs de petits châteaux ou de maisons fortes et constituaient le dernier échelon de la Noblesse.
Voilà pour la hiérarchie féodale !
Quant au peuple, il comprenait à la même époque :
1° Un certain nombre « d’hommes libres » (appelés souvent prud’hommes ou bons hommes), qui possédaient leur héritage en « franc alleu », ou tout au moins en bénéfices exempt de charges serviles.
2° Quelques rares « serfs » proprement dits, qui attendaient encore au XIIéme siècle le bienfait de leur affranchissement.
3° Enfin, une quantité de « taillables » ou « mainmortables » assujettis à diverses sortes de redevances serviles envers tel ou tel seigneur, qui les appelait « ses hommes ». (Armorial tome II folio 90).
La région sabaudienne, bien longtemps avant d’appartenir aux ducs de Savoie, reconnaissait pour maîtres les évêques-princes de Genève, les comtes de Genève et de Genevois.
Il faut aussi reconnaître que dès cette époque, une organisation embryonnaire se faisait jour.
Cette organisation découlait de quelques « bonnes et anciennes coutumes », elles comprenaient entre autres choses :
1° La tenue d’Assemblée générale ou Conseil général des « bourgeois » convoqués par le châtelain pour délibérer sur les intérêts généraux de la communauté.
2° En dehors des Assemblées générales la « bourgeoisie » était représentée par des prud’hommes jurés de la ville.
On ne sait pas vraiment comment ces prud’hommes jurés de la ville étaient nommés : A Flumet par exemple, ils étaient choisis par le seigneur lui-même parmi les bourgeois et d’après leur avis. Dans cette ville ils étaient appelés du nom de consuls ou con-jurés, voire conjurateur.
Cette situation de dialogue amena progressivement à mettre en place des concessions de Franchises. Ainsi pour exemple, la concession des Franchises de Thônes fut mise en place en 1350 par le comte Amédée du Genevois appuyé par son épouse Mathilde de Bourgogne dont dépendait cette ville à cette date. L’original sur parchemin de 0,75 m par 0,60 m est conservé aux Archives Municipales.
Ces concessions de Franchise ne sont rien moins que des avantages et des libertés accordés par le seigneur et appliquées par le châtelain.
Pour ce qui concerne l’accession à la « bourgeoisie » c’est à dire la manière dont un homme, taillable ou non, pouvait devenir citoyen de la ville, il n’est pas facile de faire la partition entre les conditions établies par la coutume et celles fixées par les Franchises, vu que la seconde est la résultante de la première.
Mais en résumé, on peut dire que :
1° Pour être « bourgeois » il fallait en général se fixer dans la ville même ou du moins dans sa banlieue et y demeurer un an et un jour sans que personne ne fît opposition.
2° Obtenir le consentement du Jury ou du Conseil des prud’hommes, ainsi que des syndics et du châtelain.
3° Prêter serment de maintenir les libertés de la ville et d’observer ses statuts, ce qui d’ailleurs devait être renouvelé tous les sept ans.
4° Payer à la caisse de la ville une « finance » de vingt sols genevois.
Cela fait cet homme se trouvait affranchi de toute taillabilité personnelle et réelle. Il était « libre, bourgeois, et juré », et il jouissait, comme ses combourgeois, de tous les avantages des franchises, tant qu’il jugeait bon d’habiter la ville et d’en supporter les charges. Mais un fois admis, s’il voulait se retirer de la bourgeoisie, il lui fallait à nouveau le consentement de toutes les autorités et le versement de la même « finance ».
Recherches, rédaction et condensé de diverses sources dont les écrits du chanoine POCHAT,
Par Jean-Claude DESTAGNOL – sjsr 42170 –
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